mardi 8 avril 2008

La sagesse des enfants

Chère Bianca, meine liebe Bianca,

So sehr mochte ich mich bei Dir bedanken, ja, denn weisst Du was mein Liebchen Bianca, ich glaube Du machst aus mir eine starke Mutter! ... Prétentieux de se définir ainsi, mais oui, je me sens forte et c’est grâce à toi Bianca. Je le réalise aujourd’hui et j’éprouve le besoin de te l’écrire, pour que tu puisses le lire plus tard, quand tu en auras besoin, pour te requinquer toi aussi, dans un moment de doute.

Je crois que si j’avance- nous avançons- sur notre nouveau chemin, c’est parce que tu es là, avec tes bonnes et tes mauvaises humeurs, tes besoins d’attention, tes envies de jouer, tes dessins, tes paroles, tes câlins…. Merci Bianca parce que c’est toi qui m’amènes à accepter le handicap de ta sœur, oui, parce que tu ne nous en a pas donné le choix et tant mieux ! Ton existence me force à intégrer le handicap, à ne pas le regarder de travers, avec pitié, compassion ou regret ; je ne peux même plus imaginer notre famille autrement, elle est comme ça et c’est ainsi que je l’aime ! Même, je crois que je ne voudrais plus que ce soit autrement.

Si tu savais comme ma vision des choses a changé : il y a encore quelques mois, c’est avec effroi que je pensais à une petite amie ministre de 5 ans, parce qu’elle ne se tient pas assise. Aujourd’hui je suis époustouflée par tout le chemin que cette ministre a parcouru : aujourd’hui elle rampe et commence à parler ! Bref, elle se déplace, elle communique : une étoffe de premier ministre !!
Ta sœur aussi, Bianca a une étoffe de premier ministre; nous le savons toi, Papa, moi et quelques autres qui travaillent fort avec nous.

Oui Merci Bianca, parce que c’est dans tes gestes, attentions, regards vis-à-vis de ta sœur que je vois la vraie vie. Ils ne sont pas biaisés, ils sont naturels, ils sont sains... ce sont les gestes naturels que chacun de nous doit avoir ; tu l’aimes ta sœur, tu la fais rire, elle te fait rire, tu es complice avec elle, tu lui fais des caresses, des câlins, des tapes parfois, tu lui rappelles qui est la boss (toi !), tu es jalouse parfois des attentions exclusives qui lui sont accordées à certains moments, tu l’ignores quand ça n’te tente plus de jouer avec elle, tu lui parles, tu lui poses des questions, tu y réponds toi-même, tu lui dit quoi faire, tu lui prêtes tes jouets, tu lui empruntes (prends !) les siens, tu la réconfortes, tu l’embêtes, tu l’aimes, c’est ta petite poupoune….

Ah, la sagesse des enfants…. A méditer

Figure-toi que ta grandeur m’inspire Bianca, que ma bataille va être d'être aussi sage* que toi ... oui –malheureusement- je crois que ce sera une bataille : moi aussi je vais motiver et convaincre les autres que c’est ainsi, naturel, qu’il n’y a pas de désolation dans la condition d’Annabel ni la nôtre, on va leur montrer aux autres que les ministres sont des nôtres, qu’on a besoin d’eux pour avancer, grandir et être heureux. Ceux qui ne le comprendront pas, c’est pour eux qu’on sera désolés!
Annabel n’est ni un miracle ni le résultat d’acharnement thérapeutique ni une erreur de grossesse; elle n’est ni malade ni faible. Annabel s’est développée tel qu’elle est, rien n’indiquait quoi que ce soit, et elle est donc ici parmi nous de Droit, et personne - tu m’entends Bianca - jamais personne ne lui ôteras ses droits, les mêmes que les tiens- et je serais la pour les défendre vos droits !

Grâce a toi, ma bataille va être de le faire comprendre aux autres, qui bien souvent ne comprennent pas, voire ont des a priori, par ignorance, par méconnaissance, parce qu’ils n’y ont pas été confronté, parce que la société ne les y a pas préparé, parce que la société n’a pas totalement intégré encore le handicap, il est marginal, il n’est pas accessible à tout le monde et il est par conséquent parfois mal interprété.
Forte de l’expérience de notre quotidien actuel et surtout à venir, je me sens désormais investie de la mission de prêcher la bonne parole, pour les ministres et leur intégration et démarginalisation dans notre société, pour la normalisation du handicap ; il est de mon devoir pour Annabel, pour toi, pour les ministres et l’enrichissement mutuel que l’intégration apporte d’ouvrir les yeux et éduquer le regard de ceux que nous croiserons sur notre chemin !


Vive la différence !

*toutes définitions confondues!

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